Les confessions d’une psychiatre marocaine : Lettre à mes patients

 

Mes cher(e)s patient(e)s,

 

Je vous écris aujourd’hui, non pas depuis mon cabinet, mais depuis un lieu plus intime : celui où l’âme dépose son manteau et se tient nue devant la vérité.

 

Depuis trente-quatre ans que j’exerce, bien avant que la psychiatrie privée ne trouve droit de cité dans cette ville, c’est à vous que je dois mon existence de médecin. 

À vous, qui m’avez ouvert les portes de vos nuits sans sommeil et de vos journées traversées d’angoisses.

À vous, qui m’avez confié vos secrets les plus fragiles, parfois en tremblant, parfois en pleurant, parfois en souriant malgré la douleur.

 

Vous m’avez appris bien plus que je ne vous ai jamais soignés. 

Vous m’avez révélé que la souffrance peut être une école, que la vulnérabilité peut être une force, et que dans les plus noires ténèbres, il existe toujours un filament de lumière prêt à se rallumer. 

Comme l’écrivait Spinoza, « la joie est le passage de l’homme d’une moindre perfection à une plus grande » ; et souvent, j’ai vu dans vos yeux cette joie naître à nouveau, discrète, presque timide, avant de se répandre dans tout votre être.

 

Chaque jour, je reçois de vous des offrandes : vos prières murmurées en quittant mon bureau, vos sourires qui défont mes propres tristesses, vos remerciements qui redonnent sens à mes nuits de veille. 

Vous ne le savez peut-être pas, mais c’est votre courage qui m’a gardée fidèle à ma vocation, même lorsque mes forces se faisaient rares et que mon âge me rappelait ses limites.

 

Je ne suis pas un démiurge ; je ne suis qu’un être humain, avec mes fragilités et mes doutes. 

 

Mais vous m’avez appris que la véritable médecine n’est pas seulement dans les prescriptions, mais dans la rencontre : dans cet espace où deux âmes se regardent sans jugement et se reconnaissent.

 

Merci d’exister dans ma vie, d’avoir fait de mon métier un pèlerinage vers l’essentiel : la compréhension de ce qu’est l’homme dans sa nudité, sa beauté, son chaos.

 

Recevez, avec cette lettre, la gratitude profonde de celui qui vous doit sa plus belle leçon : l’humilité devant la vie.