
Diabète au Maghreb : un défi sanitaire et économique qui appelle une réponse coordonnée
Dr Anwar CHERKAOUI avec le concours du Dr Fouad RKIOUAK, président de la Société Marocaine d’endocrinologie, duabetologie et Nutrition (SMEDIAN).
Le diabète n’est plus seulement une question médicale au Maghreb : c’est un enjeu économique, social et politique.
Du 16 au 19 octobre 2025, Marrakech accueillera un double rendez-vous médical d'envergure : Le 48eme congrès national et le 20eme congrès Maghrébin d’endocrinologie , diabetologie et Nutrition.
C'est une occasion pour les spécialistes maghrébins de réfléchir à une stratégie commune pour juguler le fléau du diabète et ses complications.
Dans cette région, entre 12 et 18 % des adultes sont concernés, avec une prévalence particulièrement élevée en Algérie (17,5 %) et en Tunisie (16 %), tandis que le Maroc compte près de 3 millions de patients diagnostiqués.
Ces chiffres, issus de l’Atlas 2025 de la Fédération Internationale du Diabète (IDF), révèlent une tendance inquiétante : le nombre de cas continue d’augmenter, et une part importante reste non diagnostiquée.
Un coût lourd pour les familles et pour les économies nationales
Le diabète représente un double fardeau :
Coût direct : médicaments, insuline, matériel de suivi, hospitalisations pour complications cardiaques, rénales ou oculaires.
Coût indirect : pertes de productivité, retraits précoces du marché du travail, impact sur le revenu des ménages.
Selon l’IDF, les dépenses mondiales pour le diabète dépassent 1 000 milliards de dollars par an.
En Afrique du Nord, la majorité des décès liés au diabète survient chez des adultes encore en âge de travailler, ce qui freine la croissance économique et accentue la pauvreté.
Les causes : urbanisation, alimentation et inégalités sociales
L’explosion du diabète dans la région est liée à :
La transition alimentaire (consommation accrue de produits sucrés et ultra-transformés).
La sédentarité en milieu urbain.
Les inégalités territoriales : diagnostic et suivi difficiles dans les zones rurales et périurbaines.
Les systèmes de santé, souvent saturés, peinent à mettre en place des programmes de dépistage systématique et à assurer un approvisionnement continu en insuline et consommables.
Des solutions existent et donnent des résultats
Des pays ont montré qu’une action coordonnée peut freiner l’épidémie :
Taxation des boissons sucrées : au Mexique et au Royaume-Uni, la consommation de sodas a baissé de 6 à 12 % après introduction d’une taxe.
Le Maroc a déjà instauré une accise progressive sur ces boissons ; une mesure à renforcer et à harmoniser au niveau maghrébin.
Étiquetage nutritionnel simple : le Chili a imposé des avertissements clairs sur les emballages, ce qui a réduit l’achat de produits trop sucrés.
Prévention communautaire : des programmes comme le Diabetes Prevention Program (USA) ont montré qu’une perte de poids de 5 % et 150 minutes d’activité physique hebdomadaire réduisent l’incidence du diabète de 58 %.
Achats groupés : mutualiser les commandes d’insuline et de matériel entre pays voisins permet de réduire les coûts et d’éviter les ruptures.
Ce que les pouvoirs publics peuvent faire dès maintenant
1. Adopter une politique fiscale régionale : taxe progressive sur les boissons sucrées, interdiction de vente dans les écoles, et étiquetage frontal obligatoire.
2. Renforcer le dépistage dans les centres de santé, les pharmacies et les campagnes mobiles, en ciblant particulièrement les 40-70 ans et les femmes après un diabète gestationnel.
3. Créer un registre maghrébin du diabète pour suivre les indicateurs clés : taux d’HbA1c contrôlée, complications graves, ruptures d’insuline.
4. Sécuriser l’accès financier aux traitements essentiels : plafonner le reste à charge et subventionner le matériel d’auto-surveillance.
5. Impliquer les collectivités locales dans des programmes de prévention (espaces pour l’activité physique, campagnes éducatives, menus scolaires équilibrés).
Un appel à l’action
Le diabète est une maladie chronique, mais ses conséquences sociales et économiques peuvent être maîtrisées si les pays du Maghreb agissent de façon concertée.
L’expérience internationale le prouve : taxer, informer, dépister et prévenir sont des mesures efficaces, accessibles et rapidement bénéfiques.
Un plan régional pourrait transformer ce problème de santé en une opportunité de coopération maghrébine et d’innovation en santé publique.
Mots-clés: Congrès, SMEDIAN, Diabète