
Douleurs articulaires, fatigue, mal de dos… Et si c’était une maladie rhumatismale ?
Interview croisée : Par Dr Anwar CHERKAOUI, médecin expert en journalisme de santé, avec le Pr Abdellah EL MAGHRAOUI, Président de la Société Marocaine de Rhumatologie.
Dr Anwar CHERKAOUI : Pr EL MAGHRAOUI, on associe souvent les douleurs articulaires à l’âge ou à la fatigue. Mais elles peuvent aussi cacher une pathologie bien plus sérieuse, n’est-ce pas ?
Pr Abdellah EL MAGHRAOUI : Absolument. Il existe plusieurs centaines de maladies rhumatismales, allant de simples douleurs mécaniques à des maladies inflammatoires auto-immunes complexes.
Le rôle du rhumatologue est justement de faire le tri, d’établir un diagnostic précis et de proposer un traitement adapté.
Dr A.C. : L’arthrose est souvent la première évoquée. Est-ce toujours une fatalité après 50 ans ?
Pr A.E.M. : Loin de là. L’arthrose, notamment des genoux, des hanches ou des mains, est très fréquente, mais elle peut être bien contrôlée. Une hygiène de vie adaptée, des séances de rééducation, des infiltrations et un bon suivi médical permettent de mieux vivre avec.
Dr A.C. : Et le mal de dos ? Il est devenu presque banal…
Pr A.E.M. : Oui, mais il ne faut pas banaliser pour autant. La lombalgie commune est très répandue. Elle est souvent bénigne mais peut devenir chronique si on la néglige. Bouger, éviter le repos prolongé et être accompagné en kinésithérapie sont essentiels pour s’en sortir.
Dr A.C. : Qu’en est-il des tendinites, très fréquentes chez les actifs ?
Pr A.E.M. : Les tendinites, bursites ou douleurs musculaires font partie des rhumatismes dits « abarticulaires ». Elles sont souvent liées à des gestes répétitifs. On mise sur le repos fonctionnel, la physiothérapie et, si besoin, des traitements locaux ciblés.
Dr A.C. : Quand on parle de rhumatismes inflammatoires, la polyarthrite rhumatoïde vient immédiatement en tête…
Pr A.E.M. : C’est une des grandes pathologies inflammatoires chroniques. Sans traitement, elle peut déformer les articulations. Mais aujourd’hui, grâce aux traitements de fond, notamment les biothérapies, on peut en contrôler l’évolution et préserver la qualité de vie.
Dr A.C. : Les spondyloarthrites sont-elles aussi bien connues ?
Pr A.E.M. : Moins que la polyarthrite, mais tout aussi importantes. Elles touchent souvent le dos, les talons ou les articulations périphériques. Elles peuvent être associées à des maladies de la peau ou du tube digestif. L’IRM permet un diagnostic plus précoce et les traitements ciblés sont très efficaces.
Dr A.C. : On entre ici dans le domaine des maladies systémiques : lupus, sclérodermie, syndrome de Sjögren…
Pr A.E.M. : Oui, ce sont des connectivites. Elles affectent plusieurs organes en plus des articulations. Grâce aux progrès de l’immunologie et aux traitements modernes, on parvient de mieux en mieux à contrôler ces pathologies complexes.
Dr A.C. : Un mot sur la goutte, encore mal perçue dans l’imaginaire collectif ?
Pr A.E.M. : Elle provoque des crises très douloureuses, souvent au gros orteil, liées à un excès d’acide urique. L’échographie permet un diagnostic rapide et le traitement est double : calmer la crise et prévenir les récidives.
Dr A.C. : Et la polymyalgie rhumatismale, plus fréquente chez les seniors ?
Pr A.E.M. : Elle touche surtout les plus de 65 ans, avec douleurs matinales aux épaules et hanches. Elle répond bien aux corticoïdes, à condition de respecter une posologie adaptée et bien suivie.
Dr A.C. : Et cette pathologie longtemps mal comprise : la fibromyalgie ?
Pr A.E.M. : Elle est désormais mieux reconnue. Elle se manifeste par des douleurs diffuses, une fatigue intense, des troubles du sommeil. Ce n’est pas une inflammation mais un dérèglement de la perception de la douleur. L’activité physique douce et le soutien psychologique sont au cœur de la prise en charge.
Dr Anwar CHERKAOUI : Enfin, l’ostéoporose : silencieuse, mais redoutable.
Pr Abdellah El MAGHRAOUI : Elle fragilise les os et augmente le risque de fractures, notamment chez les femmes ménopausées. Une ostéodensitométrie suffit pour la diagnostiquer. Le traitement repose sur la vitamine D, le calcium et des médicaments spécifiques.
Dr A.C. : Alors finalement, les maladies rhumatismales, ce n’est pas une fatalité ?
Pr A.E.M. : Non. Grâce aux progrès du diagnostic, de l’imagerie, des analyses biologiques et des traitements ciblés, nous sommes aujourd’hui capables d’apporter de vraies solutions. L’essentiel, c’est de ne pas laisser traîner les symptômes. Le rhumatologue est là pour accompagner, soulager et préserver l’autonomie.
Mots-clés: Rhumatologie, Interview