Endocrinologie au Maroc: une urgence silencieuse, un combat national
Par Dr Anwar CHERKAOUI, avec le concours du Dr Fouad RKIOUAK, président de la SMEDIAN
L’endocrinologie marocaine se trouve à la croisée des chemins.
Discrète, souvent éclipsée par d’autres disciplines plus médiatisées, elle est pourtant au cœur des grandes crises sanitaires du pays : diabète, obésité, troubles thyroïdiens, infertilité hormonale, retard de croissance, dérèglements métaboliques.
Des maladies silencieuses qui s’installent, minent des familles entières et pèsent lourdement sur les finances publiques.
Aujourd’hui, le Maroc ne peut plus fermer les yeux.
Le défi endocrinien n’est pas seulement médical : il est économique, social et civilisationnel.
Une épidémie silencieuse qui progresse
Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Près de 2,7 millions de Marocains vivent avec un diabète diagnostiqué, et plus d’un million l’ignorent encore.
L’obésité touche un adulte sur trois, avec une prévalence inquiétante chez les enfants.
Les troubles thyroïdiens, eux, concernent une proportion croissante de femmes, souvent sans dépistage ni traitement.
Ces pathologies, loin d’être anodines, provoquent infarctus, insuffisances rénales, cécités, AVC, et amputations.
Elles tuent lentement, mais sûrement.
Et ce drame silencieux se déroule à bas bruit, dans l’indifférence des politiques de santé publique.
Des défis structurels lourds à surmonter
Le premier obstacle, c’est la pénurie criante de spécialistes.
Le Maroc compte à peine 350 endocrinologues, dont les deux tiers exercent dans quatre grandes villes : Casablanca, Rabat, Marrakech et Fès.
Des régions entières — notamment le Sud et le Centre — restent désertées, laissant les malades livrés à eux-mêmes.
Deuxième obstacle : le manque d’infrastructures et d’accès au dépistage.
Les centres de santé de base ne disposent ni d’appareils de mesure hormonale, ni de personnel formé à la lecture des signes précoces.
Troisième obstacle : l’absence d’un programme national intégré pour la lutte contre les maladies endocriniennes et métaboliques.
Le diabète a son plan, la nutrition a ses campagnes, mais l’endocrinologie, elle, demeure sans feuille de route claire.
Un rôle stratégique pour la SMEDIAN
Face à cette situation, une institution peut jouer un rôle moteur : la Société Marocaine d’Endocrinologie, Diabétologie et Nutrition (SMEDIAN).
Cette société savante, qui fédère les endocrinologues du pays, n’est pas seulement un cercle scientifique.
C’est une force de proposition nationale.
Elle forme, informe et milite depuis des années pour replacer les maladies hormonales et métaboliques au centre des priorités sanitaires.
La SMEDIAN peut impulser une stratégie nationale cohérente, en réunissant médecins, décideurs publics, chercheurs et société civile autour d’un même objectif : détecter tôt, soigner juste et prévenir durablement.
Elle est capable de piloter un programme national intégré d’endocrinologie, fondé sur quatre piliers :
la prévention, à travers des campagnes de sensibilisation ciblant les écoles, les femmes et les zones rurales ;
la formation, en renforçant la compétence des médecins généralistes et du personnel paramédical dans la détection des signes endocriniens ;
la coordination des soins, pour fluidifier la relation entre les niveaux primaire, secondaire et tertiaire ;
et enfin, la recherche clinique nationale, afin d’adapter les stratégies thérapeutiques au profil génétique et nutritionnel marocain.
Briser les murs du silence
L’endocrinologie souffre aussi d’un déficit d’image.
Peu visible dans les médias, rarement portée par des campagnes nationales, elle reste confinée aux colloques et aux congrès.
La SMEDIAN, en collaboration avec le ministère de la Santé et les médias, peut transformer cette invisibilité en force.
Il faut populariser la science endocrinienne, parler de nutrition dans les écoles, de dépistage à la télévision, d’hormones dans les campagnes rurales, sans tabou ni technicité.
Car une population informée est une population qui se soigne tôt.
Les bénéfices pour la santé publique
Les retombées d’une réforme nationale de l’endocrinologie seraient immenses.
En investissant dans la prévention et le dépistage précoce, le Maroc pourrait réduire de 30 % les complications du diabète, économiser des milliards de dirhams en hospitalisations et traitements, et prolonger la vie active de centaines de milliers de citoyens.
Moins d’amputations, moins d’AVC, moins de souffrance : c’est la promesse d’une santé publique plus efficace et plus humaine.
Mais au-delà des chiffres, il s’agit d’un choix de société.
Investir dans l’endocrinologie, c’est investir dans la qualité de vie, dans la dignité du patient, dans l’avenir sanitaire du Maroc.
Un appel à la mobilisation
Il est temps d’agir.
Les endocrinologues marocains, réunis autour de la SMEDIAN, appellent à un sursaut collectif.
Le Maroc ne peut plus tolérer que le diabète ravage ses familles, que l’obésité progresse chez ses enfants, que les troubles hormonaux soient détectés trop tard.
L’endocrinologie doit devenir un axe stratégique de la santé nationale, au même titre que la néphrologie ou l’oncologie.
Mots-clés: Endocrinologie, Urgences





