
12 octobre, journée mondiale contre les maladies rhumatismales
« Mal partout, tout le temps et depuis toujours » : Et si c’était une fibromyalgie ?
Quand la douleur devient un compagnon silencieux du quotidien
À l’occasion de la Journée mondiale des maladies rhumatismales, célébrée le 12 octobre 2025, coup de projecteur sur une affection aussi fréquente que méconnue : la fibromyalgie.
Par Dr Anwar CHERKAOUI, avec le concours du Dr Mustapha MANASS, médecin rhumatologue à Marrakech
Une maladie invisible, mais bien réelle
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), entre 2 et 4 % de la population mondiale souffre de fibromyalgie — une maladie longtemps mal comprise, parfois niée, souvent mal diagnostiquée.
Au Maroc, cela représenterait près de 800 000 à 1 million de personnes, en grande majorité des femmes, touchées par cette pathologie douloureuse et chronique qui bouleverse le quotidien.
Les médecins parlent d’un véritable « syndrome du mal partout », une douleur diffuse et tenace qui ne laisse aucun répit.
Comment reconnaître la fibromyalgie ?
La fibromyalgie se manifeste par trois grands symptômes :
Des douleurs diffuses qui touchent tout le corps ;
Des troubles du sommeil, légers, fractionnés et non réparateurs ;
Une fatigue persistante, présente dès le réveil, rendant chaque geste difficile.
Ces signes s’accompagnent souvent d’autres troubles : anxiété, dépression, perte de mémoire ou de concentration, colopathie fonctionnelle, maux de tête, palpitations…
Autant de symptômes qui déroutent, parfois même les médecins non spécialisés.
Le mécanisme de la douleur : un cerveau qui amplifie le signal
La fibromyalgie n’est pas une maladie imaginaire.
C’est une douleur “nociplastique”, c’est-à-dire sans lésion visible, mais bien réelle.
Le système nerveux central, censé freiner la douleur, se dérègle.
Le cerveau amplifie les signaux et les stimuli les plus anodins deviennent insupportables.
Ce phénomène, appelé “allodynie”, fait qu’un simple contact, un changement de température ou même une caresse peuvent être perçus comme douloureux.
Le corps, en somme, n’éteint plus le feu de la douleur.
Les facteurs qui favorisent la fibromyalgie
Les recherches pointent plusieurs éléments :
Une prédisposition génétique et hormonale, expliquant sa forte fréquence chez la femme ;
Des facteurs environnementaux : stress chronique, manque de sommeil, traumatismes physiques ou psychiques (divorce, abus, deuil) ;
Des maladies douloureuses chroniques comme l’arthrose ou les rhumatismes inflammatoires.
Dans un contexte marocain, où les femmes assurent souvent plusieurs rôles — professionnelles, mères, épouses, aidantes —, cette charge mentale et émotionnelle prolongée peut devenir un terrain fertile à la fibromyalgie.
Quand faut-il consulter ?
Le signal d’alerte le plus courant : une douleur généralisée persistante depuis plus de trois mois, aggravée par le stress, la fatigue ou le froid.
Les patients décrivent souvent un sommeil « haché » et « non réparateur », un réveil difficile, et une lassitude qui rend les gestes simples — comme s’habiller ou monter un escalier — pénibles.
À cela s’ajoutent fréquemment :
anxiété, dépression, migraines, syndrome du côlon irritable, sécheresse des muqueuses, palpitations ou phénomène de Raynaud (doigts qui deviennent blancs au froid).
Le rôle central du rhumatologue
Le rhumatologue est la pierre angulaire du diagnostic.
Son rôle :
Confirmer la fibromyalgie sur des critères cliniques précis ;
Écarter d’autres maladies par des examens adaptés ;
Expliquer la nature de la douleur au patient ;
Et surtout, le rassurer.
Car trop souvent, le malade erre de cabinet en cabinet, accumulant les examens, les traitements inefficaces, voire dangereux.
Ce parcours d’errance médicale entraîne une souffrance morale et financière : hospitalisations inutiles, arrêts de travail prolongés, découragement…
Quelle prise en charge pour la fibromyalgie ?
Le traitement est multimodal.
Avant tout, il repose sur des approches non médicamenteuses :
Information et éducation thérapeutique : comprendre la maladie pour mieux la gérer ;
Activité physique adaptée : marche, natation, yoga, stretching… ;
Psychothérapie cognitivo-comportementale : pour réapprendre à vivre avec la douleur sans la subir.
Les médicaments les plus utiles sont ceux qui modulent la perception de la douleur :
certains antidépresseurs,
des antiépileptiques,
et des antalgiques légers comme le tramadol.
À éviter : corticoïdes, opioïdes forts et benzodiazépines, souvent inefficaces et potentiellement nocifs.
En résumé : les messages clés
La fibromyalgie est une maladie réelle et fréquente, non une illusion.
Sa douleur provient d’un dérèglement du système nerveux central.
Le diagnostic est clinique : les examens sont normaux, mais la souffrance est authentique.
La prise en charge est globale et pluridisciplinaire, centrée sur l’éducation, le mouvement et l’accompagnement psychologique.
Et au Maroc ?
Longtemps ignorée, la fibromyalgie commence à sortir de l’ombre.
Grâce à l’engagement des rhumatologues marocains le pays s’ouvre peu à peu à une approche plus humaine et scientifique de la douleur chronique.
A condition que les patients et les patientes prennent également conscience
Un message clair s’impose :
La douleur ne se mesure pas seulement par des radios ou des bilans,
elle se comprend, s’écoute, et surtout… se respecte.
Mots-clés: Journée mondiale, Maladies rhumatismales