La Chine : de la copie à la maîtrise, de la chaussure à la médecine robotique

Par Dr Anwar CHERKAOUI, expert en communication médicale et journalisme de santé 

« __Nous, Chinois, on ne copie pas. On reproduit fidèlement… et mieux. ».
La réponse fut aussi fière que cinglante, lorsque j’évoquai l’origine d’un appareil dernier cri avec un chinois en visite à Rabat__

Un jouet en plastique, un smartphone dernier cri, un appareil d’imagerie médicale ou un train à grande vitesse.

Tous portent un même label devenu symbole de domination industrielle : « Made in China ».

De l’objet du quotidien aux technologies les plus sophistiquées, la Chine copie, reproduit, améliore et finit par s’imposer.

Ce que certains qualifient de plagiat, Pékin le considère comme un levier de rattrapage accéléré.

Aujourd’hui, aucun domaine n’échappe à la montée en puissance chinoise.
Textile, jouets, électroménager, mobilier, smartphones, ordinateurs, véhicules électriques, drones, TGV, satellites, robotique, intelligence artificielle, biotechnologies, équipements hospitaliers…

Si un produit existe, la Chine sait le dupliquer.
S’il n’existe pas encore, elle peut le concevoir.

Ce succès ne repose pas uniquement sur une main-d’œuvre nombreuse et des coûts faibles.

Il tient à une stratégie parfaitement orchestrée où l’État joue un rôle central.

La vitesse est devenue doctrine : ce que l’Occident développe en plusieurs années, la Chine le reproduit en quelques mois.

Les transferts forcés de technologie sont une règle implicite pour quiconque veut pénétrer le gigantesque marché chinois.

Le gouvernement planifie, finance, impose et protège pour que l’industrie nationale apprenne vite, très vite.

L’espionnage technologique, souvent dénoncé mais difficile à contrer, contribue également à ce processus.

Derrière chaque implant industriel étranger en Chine se cache un apprentissage stratégique.
La notion de propriété intellectuelle reste secondaire tant que l’objectif est d’atteindre puis de dépasser le modèle.

En Chine, copier n’est pas une honte : c’est une étape. Une étape nécessaire vers l’innovation.

Dans le domaine médical, la Chine en apporte trois démonstrations éclatantes. Elle a réussi à produire des scanners et IRM à moindre coût, concurrençant les géants historiques comme Siemens ou GE.
Elle est devenue championne mondiale des robots chirurgicaux low-cost qui s’inspirent du célèbre système Da Vinci mais le rendent accessible à des hôpitaux qui n’en rêvaient même pas.
Et après la pandémie, elle s’est imposée comme un acteur incontournable en génomique et biologie moléculaire, fabriquant localement tests PCR, séquenceurs et réactifs qui étaient autrefois importés à prix d’or.
Trois exemples qui montrent comment le pays transforme une imitation en souveraineté technologique.

La méthode fonctionne si bien que la Chine n’est plus seulement l’atelier du monde.
Elle devient le laboratoire mondial de l’innovation.

Elle domine la production de voitures électriques, dépose plus de brevets technologiques que les États-Unis ou l’Europe et investit massivement dans l’intelligence artificielle, l’exploration spatiale et la robotique médicale.

Elle ne se contente plus de suivre : elle veut diriger.

Pourquoi d’autres nations ne parviennent-elles pas à adopter cette stratégie ?

Parce qu’elle nécessite un écosystème politique, culturel et industriel particulier.

Une population immense prête à occuper chaque maillon de la chaîne.

Un État fort capable de trancher et d’imposer des choix économiques structurants sur plusieurs décennies.

Une culture du sacrifice, de la discipline collective et de l’apprentissage permanent.

Ailleurs, les cycles électoraux, les obstacles réglementaires, l’absence de vision économique durable ou la dépendance technologique étranglent toute tentative de reproduction du modèle chinois.

La question n’est donc plus de savoir si la Chine copie. Elle le fait.
La vraie question est de comprendre comment elle transforme cette copie en conquête.
Comment elle s’empare d’une idée venue d’ailleurs pour en faire une force nationale.
Comment elle est passée de la duplicité à la suprématie.

Ce siècle porte déjà les couleurs de l’Empire du Milieu.
Le reste du monde, lui, cherche encore comment suivre son rythme.
Ou comment l’arrêter.