Hémophilie : Le rôle du traitement préventif dans les situations d’urgence
Interview avec Pr Jihane BELAYACHI, Responsable de l'unité des Urgences Hémostatiques
Service des Urgences Médicales Hospitalières CHU Ibn Sina
Dr Anwar CHERKAOUI : pourriez-vous nous expliquer en quoi consistent les situations d'urgence les plus fréquentes chez les patients atteints d'hémophilie ?
Pr Jihane BELAYACHI : Les urgences les plus courantes chez les hémophiles concernent les hémorragies internes, notamment au niveau des articulations (hémarthroses), des muscles, ou des organes internes.
Les traumatismes, même mineurs, peuvent entraîner des saignements incontrôlés.
Les saignements intracrâniens et gastro-intestinaux représentent des urgences vitales.
Sans intervention rapide, ces hémorragies peuvent causer des douleurs sévères, des déformations articulaires, voire la mort dans les cas extrêmes.
Dr Anwar CHERKAOUI : Comment doit-on intervenir rapidement pour traiter ces hémorragies graves chez les hémophiles ?
Pr Jihane BELAYACHI : La clé est d'administrer immédiatement le facteur de coagulation manquant, soit le facteur VIII pour l'hémophilie A, soit le facteur IX pour l'hémophilie B.
En urgence, on privilégie l'injection intraveineuse de ces facteurs pour stopper le saignement le plus rapidement possible.
Le timing est crucial : plus l'administration est précoce, moins il y a de risques de complications graves.
Dans des situations critiques comme les hémorragies cérébrales, la rapidité d'action peut sauver des vies.
Dr Anwar CHERKAOUI : Quel rôle joue la prophylaxie, ou traitement préventif, dans la gestion des situations d'urgence chez les hémophiles ?
Pr Jihane BELAYACHI : La prophylaxie est essentielle pour réduire le risque de saignements spontanés ou provoqués par des traumatismes.
Elle consiste à administrer régulièrement des doses du facteur manquant afin de maintenir un taux stable de ce facteur dans le sang.
Cela permet de prévenir les saignements et d’éviter les complications articulaires, musculaires ou neurologiques.
Ainsi, les patients sous prophylaxie sont moins susceptibles de se retrouver dans des situations d'urgence, car le risque de saignement est considérablement réduit.
Dr Anwar CHERKAOUI : En cas d'urgence, est-ce que les patients qui suivent une prophylaxie bénéficient d'une meilleure prise en charge que ceux qui ne sont pas sous traitement préventif ?
Pr Jihane BELAYACHI : Absolument. Les patients sous prophylaxie arrivent en général à l'hôpital avec un taux de facteur déjà assez élevé, ce qui permet de mieux contrôler l'hémorragie.
De plus, leur corps est souvent mieux préparé à réagir aux traitements supplémentaires.
En revanche, les patients qui ne suivent pas de traitement préventif sont plus vulnérables : leurs saignements sont souvent plus graves et plus difficiles à arrêter, nécessitant des doses plus élevées de facteurs de coagulation, ce qui peut compliquer la prise en charge.
Dr Anwar CHERKAOUI : Quel message souhaiteriez-vous transmettre concernant la prévention et la gestion des urgences hémophiliques ?
Pr Jihane BELAYACHI : La prévention par la prophylaxie est la meilleure approche pour minimiser le risque d’urgence. Pour cela, une stratégie nationale s’impose.
Cela implique d’avoir toujours à disposition un stock de facteurs de coagulation et d’être en contact régulier avec un centre spécialisé en hémophilie.
En cas d’urgence, il est essentiel de connaître les gestes à adopter et d’agir rapidement, car chaque minute compte pour éviter des complications graves.
Mots-clés: CHU Ibn Sina de Rabat , Hémophilie, Interview





